Deux femmes ont lancé ce vendredi 9 décembre une action en justice contre Essure, une alternative à la ligature des trompes, qu’elles accusent d’être à l’origine d’effets secondaires très handicapants. Quelques 120 femmes ont eu recours à ce dispositif disponible en France depuis 2002.
Deux femmes lancent ce vendredi 9 décembre une action en justice contre le laboratoire Bayer et leur implant contraceptif Essure. En cause, les effets secondaires ressentis par ces deux femmes : douleurs abdominales, perte de poids importantes, troubles musculaires, dépressions sévères…
Essure en pratique, une alternative à la ligature des trompes
Le principe d’Essure® repose sur la pose d’un implant de 4 cm dans les trompes de Fallope qui provoque une fibrose et leur obstruction, ce qui rend impossible la rencontre de l’ovule et des spermatozoïdes. Cette opération se réalise par les voies naturelles, sans anesthésie, ni incision et ne laisse donc aucune cicatrice. La stérilisation est effective au bout de trois mois. Comme pour toute technique de stérilisation, la patiente bénéficie d’un délai de réflexion de 4 mois après la première consultation. Elle devra confirmer sa décision par écrit. Après ce délai, ainsi qu’un bilan infectiologique (pour éviter d’introduire des germes dans la cavité utérine) et un test de grossesse réalisé le matin même de la procédure, l’opération peut avoir lieu.
Concrètement, le médecin va dans un premier temps introduire l’hystéroscope en franchissant le col de l’utérus. Il introduit ensuite un liquide physiologique pour élargir la cavité utérine et repérer l’abouchement des trompes de Fallope à celle-ci (les ostium). Enfin, il introduit le cathéter Essure ® dans le canal de travail de l’hystéroscope et place un implant à l’intérieur de chaque trompe.
Ce dispositif remboursé par la Sécurité sociale s’adresse donc aux femmes qui ne veulent plus avoir d’enfant et représente une véritable alternative à la ligature des trompes. Environ 120 000 femmes ont eu recours à cette contraception définitive en France, qui a été mise sur le marché en 2002.
Un dispositif placé sous surveillance renforcée par l’ANSM
L’agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a révélé que cet implant est bien placé sous « surveillance renforcée ». En avril 2016, l’ANSM déclarait ne pas avoir « identifié d’élément remettant en cause le rapport bénéfice/risque de ce dispositif« . Néanmoins, elle souhaitait « rappeler aux patientes les modalités de pose de cet implant ainsi que les risques éventuels liés à cette technique« . Au-delà des effets secondaires possibles et rares reconnus par la Haute Autorité de Santé – moins de 3% – (signalements de cas de douleurs abdominales ou pelviennes et des saignements; plus rarement, des cas de grossesses et notamment de grossesses extra-utérines ainsi que des réactions d’hypersensibilité, et de rares cas de migration du dispositif pouvant nécessiter une ré-intervention chirurgicale), l’ANSM avait demandé au fabricant d’élaborer une notice destinée aux patients abordant en particulier « la nécessité d’effectuer un contrôle 3 mois après la pose et les risques liés à cette technique de stérilisation, en rappelant aux patientes l’importance de consulter en cas d’effets indésirables ou de suspicion de grossesse« . Par ailleurs, la pose de ce dispositif devait être « limitée aux gynécologues obstétriciens ayant une bonne maîtrise de l’hystéroscopie opératoire et exerçant dans certains établissements de santé« . Car selon les autorités sanitaires, il semble que ce soit plus la pose que l’implant lui-même qui pose problème. Publié ce matin, un communiqué du ministère de la Santé rappelle le dispositif encadrant Essure (surveillance renforcée, notice pour les patientes, limitation de la pose à certains établissements et aux praticiens ayant certaines formations) et rappelle que les investigations conduites dès juillet 2015 avaient déterminer que « les complications signalées relevaient de la pratique de pose et non du dispositif ESSURE en lui-même ».
L’ANSM a mené également une étude épidémiologique qui vise à évaluer cet implant par rapport à la ligature des trompes. Les résultats devraient être connus courant premier trimestre 2017.
Une action en justice en France mais aussi aux Etats-Unis
Mais certaines femmes se plaignent d’effets secondaires très handicapants : douleurs abdominales, perte de poids importantes, troubles musculaires voire dépressions sévères. Sur le site Change.org, une lettre adressés à la ministre de la Santé demandant le retrait du dispositif a recueillie 45 000 signatures. Deux Françaises prévoient de lancer aujourd’hui une action en justice contre le laboratoire Bayer. Selon Europe 1, l’avocat Charles Joseph-Oudin, qui est aussi celui du scandale Médiator, étudierait 28 autres dossiers.
Aux Etats-Unis également, des femmes ont assigné en justice le fabricant dès 2014. En septembre 2015, les autorités sanitaires (FDA -Food and Drug Administration) ont constitué un comité d’experts pour « analyser les données scientifiques publiées, les données post-commercialisation et les résultats d’études relatives à Essure, ainsi que les signalements d’effets indésirables et les opinions de femmes chez qui Essure a été posé« . Ce comité a conclu que « de nouvelles données cliniques devraient être recueillies pour mieux comprendre certains effets indésirables. De plus, il a souligné la nécessité de renforcer la formation des médecins se destinant à la pose de ce dispositif ainsi que l’information des patientes avant l’implantation« . Depuis 2016, les boîtes d’Essure doivent présenter un « black box warning » – avertissement le plus fort de l’agence – rappelant les risques d’effets secondaires.
De son côté, dans un communiqué du 9 décembre, le fabricant se dit très attentif aux témoignages exprimées par les patientes. Il rappelle qu’à ce jour, les autorités sanitaires ne disposent « pas d’élément, à ce stade, permettant de remettre en cause le rapport bénéfice/risque du dispositif Essure » et précise que « La sécurité et l’efficacité de la méthode Essure ont été confirmées par plus d’une décennie de recherches scientifiques, ainsi que par l’expérience clinique de vraie vie, avec un large nombre de femmes inclues dans les études (plus de 10.000 femmes) depuis son développement« . Concernant la formation des professionnels, Bayer déclare : « Dans le cadre du bon usage des produits de santé que nous commercialisons, nous continuons, comme nous l’avons toujours fait, à contribuer à la formation des médecins et à apporter un soutien constant au bon usage d’Essure. En outre, notre laboratoire mène une politique de sensibilisation continue des professionnels de santé afin de leur permettre de développer leurs connaissances sur l’usage d’Essure dans leur pratique et de répondre à leurs questions ».
Sources :
Communiqué du ministère de la santé – 9 décembre 2016
Information sur l’implant de stérilisation tubaire Essure – Point d’information – 26 avril 2016 – ANSM
COMMISSION NATIONALE D’EVALUATION DES DISPOSITIFS MEDICAUX ET DES TECHNOLOGIES DE SANTE AVIS DE LA COMMISSION – Haute Autorité de santé – 29 mai 2012
Essure Permanent Birth Control – FDA
Europe 1