De plus en plus de gélules, sirops et autres compléments alimentaires riches en vitamines et minéraux sont destinés aux enfants. Quand ont-ils besoin de ces coups de pouce ?
Nos enfants touchés à leur tour par la folie des compléments alimentaires ? On assiste en effet au développement constant de ces compléments destinés aux plus jeunes. Objectif : compenser les supposés déficits alimentaires, et ainsi favoriser la croissance, renforcer les défenses immunitaires, améliorer la concentration et la mémoire… Et rassurer des parents désemparés face au fossé qui sépare les recommandations officielles en matière de nutrition et les habitudes alimentaires de leur progéniture.
Compléments alimentaires : seule la vitamine D est prescrite systématiquement
À l’heure actuelle, il existe une supplémentation officielle, destinée à prévenir certaines carences. Ainsi, la vitamine D, nécessaire à l’absorption et à la fixation du calcium, est systématiquement prescrite par le pédiatre ou le médecin traitant :
- une dose quotidienne de 0 à 18 mois, variable de 600 à 800 unités internationales (UI)/jour à 1 000 à 1 200 UI/jour selon l’alimentation de l’enfant (allaitement, lait artifciel…).
- 2 doses en novembre et en février de 80 000 à 100 000 UI chez les enfants de 18 mois à 5 ans, puis de 10 à 18 ans.
Même si l’uvestérol D, l’un des compléments les plus prescrits, a été suspendu fin 2016 par l’Agence de sécurité du médicament (ANSM) en raison des risques liés à son mode d’administration (par pipette), le principe de la supplémentation en vitamine D n’est pas remis en cause. Des alternatives à l’uvestérol sous forme de gouttes sont disponibles.
Fluor, une supplémentation chez certains enfants seulement
La supplémentation en fluor ne doit plus être prescrite aux enfants de moins de six mois. L’ANSM vient d’émettre une restriction d’utilisation dans ce sens pour les trois solutions buvables concernées. On considère qu’il est en effet inutile de supplémenter un bébé qui n’a pas de dents..
Au-delà de six mois, âge habituel de la première poussée dentaire, la prescription de fluor, un oligoélément qui se fixe sur l’émail des dents et prévient l’apparition des caries, dépend du profil de l’enfant. Cette supplémentation ne s’impose que chez les enfants exposés à un risque important de carie, notamment ceux présentant également une carence en vitamine D.
La vitamine K, prescrite aux bébés nourris au sein
Quant à la vitamine K, nécessaire à la coagulation du sang, elle est prescrite aux bébés nourris au sein.
« En dehors de ces suppléments, aucun complément alimentaire n’est nécessaire, assure le Pr Patrick Tounian, pédiatre. Une alimentation variée et équilibrée suffit à apporter les nutriments indispensables à l’organisme. »
Une alimentation déséquilibrée peut générer des déficiences
Et c’est là le problème ! Car certains estiment que les enfants ne s’alimentent pas de façon équilibrée et souffrent par conséquent de carences en vitamines, minéraux et acides gras essentiels comme leurs aînés. Selon Angélique Houlbert, diététicienne-nutritionniste, plusieurs éléments laissent suspecter des déficiences chez les plus jeunes :
« D’abord, en devenant transformée et raffinée, notre alimentation s’appauvrit en vitamines et minéraux. Ensuite, les enfants ont souvent plus d’attirance pour les produits peu intéressants sur le plan nutritionnel (sucreries, pizzas, céréales raffinées…) que pour les aliments naturellement riches en micronutriments (fruits et légumes, poissons gras, céréales complètes…). Enfin, ils sont de plus en plus soumis au stress, qui génère des manques, notamment en magnésium. »
Une analyse que ne partage pas Patrick Tounian, qui estime que seuls les enfants soumis à des régimes “farfelus”, comme ceux végétarien (sans chair animale), végétalien (sans produit animal) ou sans produits laitiers, peuvent souffrir de carences nutritionnelles dommageables.
Pas de complémentation sans avis médical
L’avis de la diététicienne : il peut être intéressant de donner des compléments alimentaires aux enfants, mais en les sélectionnant.
« De la levure de bière ou des probiotiques à tout âge pour renforcer la fore intestinale, et de la vitamine D3 dès l’âge de 3 ans à la place de la cuillerée d’huile de foie de morue. On peut aussi donner certains compléments à base de vitamines et de minéraux ou de plantes quand l’enfant paraît fatigué, peine à se concentrer ou à dormir, attrape tous les virus… Mais il faut les choisir bios, sans additifs chimiques, ni édulcorants de synthèse. »
L’avis du pédiatre : la plus grande prudence est recommandée :
« Il faut impérativement demander un avis médical avant de supplémenter un enfant. Certains surdosages, notamment en vitamines A et D, peuvent avoir de graves conséquences sur sa santé. Prendre des gélules, ce n’est pas anodin, et à vouloir trop bien faire, on peut obtenir des effets inverses !
L’équilibre alimentaire selon le Pr Patrick Tounian
L’équilibre alimentaire d’un enfant peut être comparé aux fondations d’une maison : 4 piliers et 1 toit.
- Pilier 1, le fer : du lait de croissance jusqu’à ce que l’enfant puisse consommer 100 g de viande (quelle qu’elle soit) par jour, répartis sur les deux repas principaux, soit vers 6 ans.
- Pilier 2, le calcium : 2 à 3 produits laitiers (yaourt, lait, fromage, fromage blanc…) par jour.
- Pilier 3, les acides gras essentiels : du poisson 1 à 2 fois par semaine. À défaut, des huiles de colza, noix ou soja.
- Pilier 4, les fibres, vitamine C et minéraux : 1 à 2 fruits ou légumes par jour, en variant.
- Le toit, le plaisir : féculents, sucreries, chocolat… au moins 1 fois par jour quelque chose qu’il aime.
Compléments alimentaires : quelle réglementation ?
Seuls les compléments alimentaires destinés aux enfants de plus de 3 ans sont autorisés et doivent recevoir un avis favorable des autorités avant d’être commercialisés. L’étiquetage doit clairement les cibler et les allégations se rapportant à leur santé et leur développement sont strictement réglementées.